- CILIÉS
- CILIÉSDans le vaste monde des Protozoaires, l’embranchement des Ciliés constitue un ensemble homogène et très différencié, assez nettement séparé des autres groupes.Il est classique de caractériser les Ciliés par la possession de cils vibratiles, durant au moins une partie de leur cycle biologique. Mais on ne doit pas perdre de vue une autre caractéristique fondamentale des Infusoires Ciliés: ils possèdent un appareil nucléaire particulier, constitué par deux noyaux, l’un volumineux, appelé macronoyau, l’autre petit, le micronoyau. Les Ciliés se définissent encore par leur division homothétique transversale et par leur sexualité, fondée sur la recombinaison du patrimoine génétique, durant la conjugaison et l’autogamie.CytologieOrganites ectoplasmiquesLa membrane qui recouvre la cellule peut, parfois, s’épaissir pour constituer une véritable carapace. Un feuillet membranaire externe recouvre entièrement les cils vibratiles, fins prolongements ectoplasmiques qui battent rythmiquement (fig. 1).En rapport avec la double fonction ciliaire (locomotion et alimentation), on peut distinguer une ciliature somatique et une ciliature buccale. De structure uniforme, chez les Ciliés Holotriches, les cils peuvent fusionner pour constituer des membranelles (Hétérotriches) ou des cirres (Hypotriches).Tous les cils sont issus des cinétosomes ou granules basaux (appelés aussi blépharoplastes). Les cinétosomes ne sont pas isolés, mais réunis les uns aux autres, par le cinétodesme, ensemble fibrillaire à orientation antéro-postérieure. L’ensemble constitue l’infraciliature. Dans de nombreux cas, les cinétosomes sont disposés en files longitudinales. Chaque rangée ciliaire porte le nom de cinétie (fig. 2).La structure fine du cil est désormais bien connue: chaque cil est constitué par neuf paires de fibrilles périphériques emprisonnant une paire de fibrilles centrales. Cette structure ne se distingue pas de celle du flagelle. Les cils sont ancrés dans le cytoplasme grâce à des racines ciliaires, fibres striées issues des cinétosomes.On connaît d’autres structures fibrillaires dépendantes des cinétosomes. Signalons simplement l’argyrome, réseau superficiel colorable par imprégnation argentique dont la signification exacte reste controversée (d’anciens auteurs lui attribuaient une fonction conductrice).Les cils peuvent se résorber et disparaître à certains stades de la vie d’un Cilié. De nouveaux cinétosomes proviennent toujours de la duplication de granules basaux préexistants. Les cils qui entourent l’aire buccale sont généralement spécialisés et constituent un ensemble particulier (ciliature orale) qui peut présenter une grande diversification structurale. La disposition exacte de cette ciliature buccale joue donc un rôle très important dans la taxonomie des Ciliés. Très souvent d’ailleurs, toute la ciliature orale disparaît et se reforme entièrement au moment de la division.L’ectoplasme des Ciliés comprend fréquemment des éléments cuticulaires, situés entre les grains basaux: les trichocystes et les protrichocystes. Les trichocystes proprement dits sont des navettes fusiformes, de nature protéique, pouvant éjecter dans le milieu extérieur (sous l’action de diverses excitations chimiques ou mécaniques) de longs filaments aigus et rigides, dont la nature chimique est proche du collagène. Le rôle exact de ces formations, décrites autrefois comme organes défensifs de la cellule, est à éclaircir. Les protrichocystes, que l’on devrait appeler plutôt mucocystes, sont des éléments plus discrets – sortes de poches sécrétant un mucus non structuré, qui semble contribuer à la formation des kystes.Chez les formes prédatrices (Didinium , Dileptus ) existent d’autres structures superficielles appelées toxicystes, éléments fibreux – sorte de nématocystes simplifiés – projetant, vers l’extérieur, un filament protéique rigide, vecteur d’un puissant toxique (souvent protéolytique) dont l’action paralyse les proies et entraîne, parfois, leur cytolyse.Chez les Ciliés végétivores, ces éléments sont remplacés par des némadesmes, longues baguettes protéiques (à structure paracristalline) dont le but est de renforcer les parois du pharynx.Dans l’ectoplasme des Ciliés, on a encore décrit divers éléments fibrillaires de soutien ainsi que les myonèmes, fibres contractiles dont le tracé suit généralement celui des cinéties chez les Ciliés contractiles (Hétérotriches).Enfin, c’est le plus souvent dans l’ectoplasme que se concentrent les mitochondries, organites des oxydations cellulaires, dont la structure reste du type classique chez les Protozoaires.Organites de la nutritionÀ part les nombreuses formes endoparasites, dont la nourriture se fait par osmose, à travers la membrane cellulaire, la plupart des Ciliés se nourrissent par ingestion de proies figurées (phagotrophie). Il existe donc chez ces Protistes des organites complexes, assurant l’ingestion des aliments. On peut citer d’abord le péristome, sorte d’invagination de la surface du corps, au fond de laquelle se trouve l’ouverture buccale proprement dite ou cytostome, qui se prolonge, à son tour, par un canal, le cytopharynx. Les battements des cils du péristome et du cytopharynx entraînent les proies (généralement de petite taille) au niveau de l’endoplasme où elles sont englobées dans une petite vacuole digestive ou gastriole. Après digestion des principes utilisables, les déchets seront éliminés en un point bien déterminé de la paroi ectoplasmique: le cytoprocte.Organites endoplasmiquesL’appareil nucléaire des Ciliés, très caractéristique, comprend deux noyaux, de taille, structure et fonctions différentes: l’ensemble constitue un système nucléaire dit hétérocaryote.Le macronoyau (autrefois appelé macronucléus) est généralement volumineux et prend des aspects très divers. C’est un noyau essentiellement somatique, indispensable à la vie cellulaire. Ce noyau végétatif dirige le métabolisme et se divise par ségrégation de génomes, car il est hautement polyploïde (et donc très riche en ADN).Le micronoyau est petit et moins riche en ADN, puisqu’il est diploïde. Ce noyau n’est pas indispensable à la vie somatique de la cellule. On peut en pratiquer l’ablation, sans effets nocifs notables, et il existe même des races de Ciliés amicronucléés. Le micronoyau se divise par mitose acentrique; c’est un noyau purement sexuel, dont le but est d’assurer le brassage du patrimoine héréditaire lors de la conjugaison.On observe dans l’endoplasme d’autres organites cellulaires importants et bien caractéristiques: il s’agit des vacuoles pulsatiles (ou vésicules contractiles). Ces organites ont un emplacement fixe et présentent une activité rythmique: ils commencent par se remplir d’eau, puis la déversent en dehors par une ouverture préexistante. Chez certaines espèces, des canaux collecteurs entourent les vésicules contractiles et puisent l’eau dans le cytoplasme environnant.La vacuole pulsatile sert, avant tout, de pompe osmotique et rejette l’eau qui a été absorbée par le cytoplasme hypertonique ou celle qui a pénétré dans la cellule au moment de l’ingestion des proies. Il n’est pas impossible que la vacuole contractile joue aussi un rôle excréteur.On observe encore dans l’endoplasme quelques autres éléments cellulaires classiques: les corps de Golgi (ou dictyosomes), les lysosomes (appareil de protéolyse), des vacuoles lipidiques et des enclaves variées (glycogène). Il faut mentionner l’existence de concrétions calcaires, très abondantes dans certains groupes.BiologieHabitatLes Infusoires constituent un embranchement largement distribué dans les biotopes les plus divers, aussi bien dans les eaux douces, salées ou saumâtres que dans le corps de nombreux animaux. Les Ciliés libres sont soit pélagiques et planctoniques, soit littoraux. Ils sont soit sessiles et donc fixés sur les algues et sur les métazoaires aquatiques, soit vagiles, nageant sur les fonds de feuilles mortes ou au milieu des algues. Certains sont catharobes et aiment donc l’eau claire, propre et bien oxygénée, d’autres sont plus ou moins saprobes, affectionnant les eaux putrides, très chargées en composés organiques. De plus, il existe toute une faune, très riche et très spécialisée dans les sables marins côtiers. Cette faune est appelée interstitielle, car elle vit dans les espaces lacunaires, entre les grains de sable.Des recherches récentes ont montré qu’il existe une énorme biomasse de Ciliés dans le sol (formule édophique). Ces animaux restent la plupart du temps enkystés et leur vie active a lieu uniquement lorsque la terre est inondée.MouvementsLa locomotion des Ciliés étant fondée sur l’action des cils, la plupart des espèces glissent doucement sur le substratum. On trouve cependant des adaptations particulières; chez les Hypotriches, l’apparition de puissants cirres (fig. 3), ou cils agglutinés, entraîne soit une véritable marche sur les objets immergés, soit d’extraordinaires sauts en arrière (Ciliés rétrocursifs).NutritionSur le plan de l’alimentation, on distingue, outre les formes qui se nourrissent uniquement par osmose, les histophages, qui ingèrent les tissus morts et sont de véritables nettoyeurs des biocénoses microscopiques.D’autres sont prédateurs carnassiers, donc macrophages. Le plus souvent, leurs proies sont des Ciliés d’espèces variées, qui sont immobilisés par action paralysante ou lytique des toxicystes péripharyngiens. Les Ciliés tentaculifères (Acinétiens) sucent leurs proies à l’aide de leurs tentacules, après les avoir immobilisées par l’action d’un puissant toxique.Les prédateurs végétivores se nourrissent généralement de Flagellés, de Diatomées, d’Algues unicellulaires ou filamenteuses.Les microphages, qui sont probablement les plus abondants, ingèrent des bactéries et autres aliments figurés, de petite taille, grâce aux tourbillons produits par l’action des cils vibratiles.EnkystementLorsque les conditions deviennent défavorables (et notamment lorsque le milieu extérieur se dessèche lentement), beaucoup de Ciliés s’enkystent en cessant leurs déplacements et en prenant une forme sphérique. Ils perdent alors leurs cils, dédifférencient leurs structures orales et finissent par s’enfermer dans un kyste, pellicule résistante plus ou moins imperméable. Sous cette forme, les Ciliés dédifférenciés et légèrement déshydratés peuvent rester très longtemps en état de vie ralentie. Le kyste est donc une forme de résistance qui assure aussi la dissémination de l’espèce, car il peut supporter un dessèchement total ainsi que des températures extrêmes. Lorsque les conditions redeviennent favorables, les Ciliés sortent du kyste et se redifférencient (dékystement).MultiplicationLes Ciliés se multiplient par division binaire homothétique (transversale), séparant la moitié antérieure de la cellule de la moitié postérieure. Cette division débute par celle de l’appareil nucléaire, le macronoyau se séparant en deux (par ségrégation de génomes) et le micronoyau par orthomitose (mitose particulière à fuseau achromatique intranucléaire et individualisation de petits chromosomes). Ensuite, le cytoplasme s’étrangle et les deux moitiés se séparent: c’est la cytodiérèse ou plasmatomie.Bien entendu, la division s’accompagne de remaniements cytoplasmiques et, surtout, pelliculaires importants, notamment d’une néo-formation de la bouche et de la ciliature orale (stomatogenèse).Il existe aussi chez les Ciliés une reproduction sexuée, la conjugaison, destinée à brasser le patrimoine héréditaire. Dans des conditions qui sont encore controversées, deux Ciliés s’accolent par leur péristome puis échangent des noyaux sexuels. Le macronoyau des deux conjugants commence par dégénérer (et sera éliminé par la suite) tandis que les micronoyaux se gonflent et se divisent plusieurs fois de suite. Une des dernières mitoses est réductionnelle: il s’agit d’une méiose, qui entraîne la réduction du nombre de chromosomes. Un seul micronoyau haploïde (n chromosomes) subsiste. Une mitose supplémentaire donne dans chaque individu deux pronucléus, l’un mobile, migrateur, que l’on peut appeler mâle, et l’autre, immobile, «sédentaire», qui est le pronucléus femelle. Le pronucléus mâle de chaque cellule ira fusionner avec le pronucléus femelle de son partenaire. Après cette copulation, les conjugants sont en possession d’un noyau diploïde (syncarion) qui se divisera plusieurs fois et finira par reformer un appareil nucléaire double complet (un des micronoyaux se transformant en macronoyau).ClassificationLa systématique des Ciliés est entièrement fondée sur l’infraciliature. Les méthodes d’investigation modernes (imprégnation par l’argent, microscopie électronique) sont en train de bouleverser de fond en comble nos conceptions sur ce sujet. On exposera donc une classification provisoire. Les Ciliés Holotriches sont les plus simples et les plus primitifs. Ils sont recouverts de cils non différenciés en membranelles ou cirres. Parmi les Holotriches, on distingue les Gymnostomes, Ciliés à bouches dépourvues d’infraciliature orale spécialisée (les Rhabdophores ont l’ouverture buccale antérieure tandis que les Cyrtophores possèdent une bouche ventrale armée d’une puissante nasse). Les Trichostomes sont des Ciliés un peu plus évolués, ayant acquis une invagination buccale garnie de cils. Enfin, les plus évolués parmi les Holotriches sont les Hyménostomes dont la bouche s’ouvre souvent au fond d’un cytopharynx, avec une ciliature orale complexe, constituée par des péniculi ou par des membranelles (au nombre de quatre chez les Tétrahyméniens).Aux Holotriches sont encore assimilés des Ciliés parasites, les Thygmotriches et les Astomes et Apostomes , sans bouche, ainsi que les Suctorida (Acinétiens), animaux très différenciés ayant perdu la ciliature et ayant acquis des tentacules, bien que les embryons migrateurs de ces formes soient ciliés (fig. 4). Un deuxième groupe est celui des Péritriches, Ciliés fixés par un pédoncule et ayant perdu leur ciliature (à l’exclusion d’une double frange qui entoure l’ouverture buccale). En troisième lieu se placent les Spirotriches, formes très évoluées caractérisées par la présence d’une frange de puissantes membranelles adorales qui entourent le péristome. On y distingue des Hétérotriches (à ciliature normale), des Tintinoïdiens (Ciliés planctoniques sécrétant une logette), des Oligotriches (qui ont perdu les cils mais acquis d’énormes membranelles, à rôle natatoire) et des Hypotriches (chez lesquels les cils sont remplacés par des cirres, puissants organites locomoteurs constitués de pinceaux de cils fusionnés). Signalons enfin les curieux Odontostomatida et les Entodiniomorpha , parasites des intestins des animaux supérieurs.
Encyclopédie Universelle. 2012.